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Cementerio de Nuestra Señora de la Salud. Córdoba. |
INTERVIEW - le 1er novembre, jour de « tous les saints »
inaugure le mois des morts. Louis Manaranche, agrégé d'histoire et président du
laboratoire d'idées Fonder demain, revient sur l'origine et l'histoire de ces
expressions chrétiennes.
La Toussaint, littéralement, «fête de tous les saints» ouvre chaque année
le mois des morts. Célébration unique dans le calendrier liturgique, elle est
l'occasion de fleurir les tombes de nos défunts. Mais d'où vient-elle? Ne
concerne-t-elle vraiment que les chrétiens et a fortiori les hommes et femmes
sanctifiés? Louis Manaranche, agrégé d'histoire et président du laboratoire
d'idées Fonder demain, revient sur cette fête qui nous invite, une fois par an,
«à méditer sur la fin de la vie».
LE FIGARO - Comment est née la Toussaint et que
signifie-t-elle?
Louis
Manaranche - La Toussaint est née de la volonté du pape
Grégoire IV, qui a ajouté, en 835, une fête en l'honneur non seulement des
nombreux martyrs que les chrétiens ont très tôt célébrés collectivement, mais
de tous les saints. La date choisie, le premier novembre, s'est alors imposée à
l'Église universelle.
La Toussaint signifie donc littéralement la fête de tous
les saints. Mais attention, c'est là que se cache l'équivoque. Elle ne désigne
pas uniquement la fête de tous les saints qui ont été officiellement canonisés
par l'Église. En réalité, c'est la fête de tous les saints, au sens de tous les
baptisés qui sont entrés dans la vie éternelle, tous ceux qui sont au ciel.
Dans la tradition catholique, on croit en effet à
l'existence d'un état d'attente après la mort. Il est incarné par le
Purgatoire. Là-bas, les âmes doivent être purifiées et lavées de tout ce qui
les retient encore loin de Dieu. C'est à leur intention que l'on prie le 2
novembre, depuis que les moines de Cluny ont institué cette fête à la fin du Xe
siècle. Le 1er novembre, c'est le jour où sont célébrés tous ceux qui ont été
élus, ceux qui ont rejoint Dieu, au ciel, dans la joie de la vie éternelle.
La Toussaint n'est donc pas le jour des morts...C'est à la fois vrai et faux. Car, pour être saint, au
sens de la Toussaint, c'est-à-dire dans la contemplation éternelle de Dieu, il
faut être mort. En un sens donc, la Toussaint est bien liée à la mort. Et puis,
rappelons que la coutume en a fait un moment pour aller au cimetière. Il y a
donc bien là aussi l'idée de communier avec les défunts qu'on a connus. Le 1er novembre
et le 2 novembre sont deux fêtes qui participent du même Mystère, à savoir
l'appel de l'homme à connaître la vie éternelle.
C'est donc pour cela que l'on a pour habitude de dire que
la Toussaint ouvre le mois des morts?
Oui, pour ces deux raisons. Mais il faut aussi préciser
qu'il s'est rajouté, depuis le XXe siècle, en Occident, le 11 novembre. En
France comme en Angleterre, après l'hémorragie colossale de la guerre de 14-18,
le 11 novembre a consacré encore davantage le mois de novembre aux morts en
Europe. Les monuments aux morts sont d'ailleurs fleuris avec des chrysanthèmes.
Des fleurs de saison que l'on a pris pour habitude de déposer sur les tombes au
moment de la Toussaint.
Dans une société aussi déchristianisée que la nôtre,
peut-on vraiment penser que la Toussaint a encore une portée chrétienne?
N'aurait-elle pas seulement une portée traditionnelle comme Noël ou Pâques?
Le fait d'aller fleurir des tombes à la Toussaint induit
une dimension bien moins festive que Noël. Mais bien des coutumes ancrées dans
la tradition catholique restent vivaces. Dans certaines régions rurales de
France, la coutume de la bénédiction des tombes existe encore. Le prêtre se
rend au cimetière, traditionnellement après la messe, pour asperger les tombes
d'eau bénite en souvenir du baptême de ces défunts. Souvent, de même, le
fleurissement des tombes s'accompagne d'une petite prière ou d'un signe de
croix.
Plus largement, cette fête permet à l'homme contemporain
de questionner le rapport de nos sociétés déchristianisées à la mort. Une fois
par an, elle nous invite à méditer sur la fin de la vie alors même que la mort
a largement été évacuée de nos sociétés, comme si ce n'était plus un fait
crucial. Aujourd'hui on enterre rapidement, on veille rarement les morts, la crémation
a pris une grande importance et les rites autour du corps qui en découlaient se
sont évanouis.
Songez par exemple aux obsèques que l'on faisait encore
jusque dans les années 1960 à Paris. L'Église était tendue de noir, le domicile
du défunt aussi. Aujourd'hui, tout ceci serait impensable. On ne pourrait pas
voir des cortèges funéraires dans nos rues. Pourtant, même dans une société
déchristianisée, la Toussaint est l'occasion de confronter l'homme contemporain
à la mort. Elle
n'a rien perdu de sa dimension spirituelle.
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