Il y a 30 ans, des chercheurs français découvraient le virus du sida. Des années 81-83, avec les premiers cas et les découvertes des chercheurs de Pasteur, jusqu'à nos jours et les recherches actuelles porteuses d'espoir, nous retraçons l'histoire de cette maladie.
Période 1981-1983
Au début des années 80, il souffle comme un vent de libération
sexuelle, mêlée d'insouciance. Pourtant très rapidement une odeur de
poudre va se répandre dans l'atmosphère. En 1981, le sida fait son
apparition et déclare la guerre. Une guerre au départ silencieuse.
En juin 1981, l'Agence épidémiologique d'Atlanta annonce au
monde médical que cinq patients homosexuels à Los Angeles souffrent
d'une pneumonie rarissime. Les hostilités sont lancées, la France est
aussi touchée et la communauté homosexuelle dans son ensemble est en
première ligne. Les symptômes sont multiples : fièvre, affections
pulmonaires, tumeurs et au final... la mort.
La presse parle de "peste rose". Les homosexuels seraient punis
par le cancer. On parle alors plus généralement de cancer gay. Le
sarcome de Kaposi est une forme de cancer de la peau qui se manifeste
par des taches brunâtres. Un stigmate qui restera longtemps associé aux
malades du sida.
Ce mal mystérieux n'effraie pas le Dr Willy Rozenbaum,
infectiologue, qui crée un groupe de travail sur le sida pour tenter de
comprendre cette nouvelle maladie, malgré l'incrédulité du monde médical
français. Malgré tout, le Dr Rozenbaum persiste pour trouver l'origine
de la maladie. Une étroite collaboration va alors se mettre en place
entre cliniciens et chercheurs.
En janvier 1983, le virus du sida est isolé et au mois de mai
1983, l'équipe de chercheurs de l'Institut Pasteur publie les résultats
dans la revue Science et devance les Américains. Une découverte
française récompensée 25 ans plus tard par un prix Nobel de médecine.
Mais à l'époque, l'histoire ne fait que commencer. Le sida vient
seulement de lancer les coups de semonce d'une guerre longue et macabre
que beaucoup sous-estiment encore.
2.012. 27 avril.com |
- Période 1984-1987
En 1984, Michel Foucault mourait, terrassé par le virus que
l'équipe de Pasteur vient d'identifier. À cette époque, la
stigmatisation des malades reste très pesante. On parle encore de la
maladie des 4 H pour hémophile, homosexuel, haïtien, héroïnomane.
Au lendemain de la découverte du virus par l'équipe de Pasteur,
tout reste à faire. Si l'ennemi est identifié, l'épidémie est rampante.
En 1984, on dénombre 300 malades du sida en France. Tandis que la
société reste sourde, le monde médical sent monter l'urgence.
Le sang et le sexe, les deux voies de transmission sont
désormais connues. Pourtant le sida reste quatre lettres angoissantes.
La panique gagne le personnel hospitalier censé apporter du soutien aux
patients. Dans certains hôpitaux, infirmiers et aides-soignants osent à
peine approcher les malades par crainte que le virus ne leur saute au
visage.
Victimes d'une grande stigmatisation et condamnés à mort, c'est
la double peine pour les malades. Chaque année ils sont plus nombreux et
les hôpitaux tentent de faire face à la crise sanitaire.
Pour soutenir les malades et les soignants, les premières
associations voient le jour afin de pallier un pouvoir politique atone
jusqu'en 1986. Le nouveau gouvernement de cohabitation nomme alors
Michèle Barzach ministre de la Santé.
La nouvelle ministre de la Santé prend alors deux mesures
fondamentales : la vente libre de seringues pour limiter la
contamination chez les toxicomanes et l'autorisation de la publicité sur
le préservatif,
seul moyen de prévention contre le sida. Ces mesures heurtent une
partie de l'opinion. Le Front National en profite et joue avec les bas
instincts. Mais Michèle Barzach ne cédera à aucune pression.
Les mesures de prévention sont lancées. Le sida vient de perdre
une bataille. Et malgré plus de 300 malades recensés en France en 1987,
l'espoir d'une nouvelle arme pour lutter contre le virus est en train de
naître. C'est l'arrivée de l'AZT.
- Période 1987-1996
À la fin des années 80, les malades réclament une prise de
conscience de la société. Le réveil est lent mais va s'opérer doucement
grâce notamment à des films comme "Les nuits fauves" ou "Philadelphia".
En France, les malades vont bénéficier d'une prise en charge à 100%.
En 1987, un nouveau traitement fait naître l'espoir chez les
malades du sida : l'AZT. L'AZT est un premier traitement obtenu dans
l'urgence. Ce traitement contre le virus du sida tant attendu déçoit les
soignants et les malades. Son efficacité est limitée et ses effets
secondaires souvent dévastateurs.
À la fin des années 80 et au début des années 90, l'époque est
morbide. La mort plane sur les malades, les hôpitaux se transforment en
mouroir. On parle alors d'hécatombe. Et puis, il y a ceux qui ne
développent pas le sida. Les séropositifs pour qui l'avenir est
incertain.
Les années 90 sont noires. Les hémophiles
accusent, le scandale du sang contaminé éclate. Les malades et leurs
proches veulent réveiller une société qui refuse d'ouvrir les yeux. Dans
ce contexte, Hervé Guibert, écrivain, décide de montrer son corps
décharné, de crier sa souffrance et sa maladie à ceux qui ne veulent pas
voir.
Après le décès de l'écrivain en décembre 1991, pour prendre le
relais et tirer la sonnette d'alarme, de nombreuses associations voient
le jour. Certaines associations sont au chevet des malades, d'autres se
chargent de la prévention comme le Kiosque infos sida. D'autres associations tentent d'alerter l'opinion comme Act-up. Les associations se rangent en ordre de bataille et se réunissent lors d'une grande soirée télévisuelle : c'est le début du Sidaction.
Dans les années 90, le préservatif n'est plus un tabou. Pour
quelques générations, la capote se banalise, la prévention se structure
et les consciences se réveillent. En 1996, le bilan est lourd. Le sida a
déjà tué plus de 30.000 personnes en France. Les traitements donnent
des résultats mitigés. C'est alors avec une certaine méfiance que les trithérapies vont être accueillies.
Le Sida dans le monde en 2013. Actualitix.com |
- Période 1996-2013
1996 est une année charnière dans l'histoire du sida. Après
treize longues années de recherche, un traitement va enfin empêcher les
malades de mourir. C'est l'arrivée des trithérapies.
Mais au départ, les traitements arrivent au compte-gouttes des
laboratoires américains. Il n'y en a pas pour tout le monde. Dans les
services, les médecins doivent sélectionner leurs patients.
Très vite en France tous les malades seront traités. Et bien que
les effets secondaires soient parfois pesants : diarrhée, ventre
gonflé, joues creusées… l'ambiance devient enfin respirable. Une page de
l'histoire est en train de se tourner. Les femmes peuvent désormais
avoir des enfants sans risque de transmettre le virus, mais des combats
restent à mener. Aujourd'hui pour elles, les effets secondaires liés aux
trithérapies sont encore très pesants. Si la moitié des séropositifs
dans le monde sont des femmes, seulement un tiers d'entre elles sont
incluses dans les études cliniques. En France, les femmes représentent
un tiers des 7.000 nouvelles contaminations chaque année.
En 2013, la prévention est multiple. Si le préservatif reste une
arme efficace pour se protéger du sida, l'observance du traitement par
trithérapie a permis aux séropositifs d'avoir des charges virales
indétectables et de réduire considérablement la transmission du virus.
L'autre prévention reste le dépistage. Actuellement en France, 30.000 personnes ignoreraient leur séropositivité.
Si en Occident les années sombres de l'épidémie sont derrière, l'enjeu
se trouve désormais dans les pays du Sud. Parmi les 35 millions de
personnes infectées dans le monde, 22 millions vivent en Afrique où les
traitements coûteux sont encore trop peu accessibles. Une voix difficile
à faire entendre.
Le sida est devenu un bruit de fond auquel on se serait presque
habitués avec les avancées médicales de ces dernières années. Mais le
sida a déjà tué plus de 28 millions d'individus et il continue ses
ravages. 30 ans après la découverte du virus, l'histoire de cette
maladie est toujours en train de s'écrire...
SOURCE: Rudy Bancart. Allô Docteurs, mis à jour le 4 avril 2014.
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